La devanture de sa boutique n'avait pas d'enseigne mais tout le village l'appelait "chez la Jeanne" !
C'était sur la place de l'église, une maison coincée entre ses deux voisines. Franchir la porte faisait retentir un carillon de tubes métalliques qui cessaient lentement de s'agiter dans quelques dernières convulsions. Une marche plus bas et l'on était dans un sas minuscule où donnaient deux portes : à droite celle de la cuisine, à gauche celle toujours ouverte de la boutique.
Le temps de s'habituer à l'obscurité et on pénétrait dans un gourbi encombré de tout ce qu'on ne trouvait pas à la Sanal ou aux Coopérateurs de Lorraine qui, par chance pour la Jeanne, étaient parfois dépourvus de la denrée essentielle qu'il vous manquait.
La Jeanne arrivait bien vite derrière vous. C'était une petite femme aux cheveux gris tirés en arrière en un chignon serré, portant un éternel tablier sur une jupe aux couleurs indéfinissables et un châle noir sur ses épaules frileuses.
Des étagères surchargées accueillaient un bric-à-brac hétéroclite où les pâtes tenaient compagnie aux litres de vin, le fromage aux cahiers d'écoliers. Suspendues au plafond, des charentaises délavées faisaient la causette à des saucissons bien secs !
La Jeanne n'était pas grande et derrière son comptoir, elle émergeait à peine entre les paniers à œufs suspendus contenant ail, oignons, œufs.
Je n'ose appeler comptoir ce meuble où les bocaux de bonbons faisaient le bonheur de notre horde d'écoliers munis de quelques piécettes. Un franc pour un poisseux carambar gagnant, trois ours en chocolat décoloré pour un autre petit franc, quelques boules vertes, rouges, jaunes pour faire l'appoint !
On ne savait pas trop si elle ne savait pas compter ou si elle était vraiment malhonnête, mais on avait pris l'habitude de vérifier la monnaie qu'elle tendait dans sa main calleuse et si quelque charançon habitait la farine, elle échangeait sans broncher.
La Jeanne était intemporelle et nous ne cherchions pas même à nous l'imaginer en jeune et dynamique commerçante.
C'était sur la place de l'église, une maison coincée entre ses deux voisines. Franchir la porte faisait retentir un carillon de tubes métalliques qui cessaient lentement de s'agiter dans quelques dernières convulsions. Une marche plus bas et l'on était dans un sas minuscule où donnaient deux portes : à droite celle de la cuisine, à gauche celle toujours ouverte de la boutique.
Le temps de s'habituer à l'obscurité et on pénétrait dans un gourbi encombré de tout ce qu'on ne trouvait pas à la Sanal ou aux Coopérateurs de Lorraine qui, par chance pour la Jeanne, étaient parfois dépourvus de la denrée essentielle qu'il vous manquait.
La Jeanne arrivait bien vite derrière vous. C'était une petite femme aux cheveux gris tirés en arrière en un chignon serré, portant un éternel tablier sur une jupe aux couleurs indéfinissables et un châle noir sur ses épaules frileuses.
Des étagères surchargées accueillaient un bric-à-brac hétéroclite où les pâtes tenaient compagnie aux litres de vin, le fromage aux cahiers d'écoliers. Suspendues au plafond, des charentaises délavées faisaient la causette à des saucissons bien secs !
La Jeanne n'était pas grande et derrière son comptoir, elle émergeait à peine entre les paniers à œufs suspendus contenant ail, oignons, œufs.
Je n'ose appeler comptoir ce meuble où les bocaux de bonbons faisaient le bonheur de notre horde d'écoliers munis de quelques piécettes. Un franc pour un poisseux carambar gagnant, trois ours en chocolat décoloré pour un autre petit franc, quelques boules vertes, rouges, jaunes pour faire l'appoint !
On ne savait pas trop si elle ne savait pas compter ou si elle était vraiment malhonnête, mais on avait pris l'habitude de vérifier la monnaie qu'elle tendait dans sa main calleuse et si quelque charançon habitait la farine, elle échangeait sans broncher.
La Jeanne était intemporelle et nous ne cherchions pas même à nous l'imaginer en jeune et dynamique commerçante.
Quand je croise une vieille enseigne abandonnée, j'imagine un vieux marchand semblable à la Jeanne. Quel Albert a fermé définitivement cette pharmacie de Saint Pardoux la Rivière ? Quelle Ginette taillait ici des pantalons et des chemises aux paysans de Jumilhac ? Quel Yves en blouse grise développait dans son laboratoire an fond de cette boutique de Rennes, des 6X6 en noir et blanc ? Quel Lulu vendait ses bonbons aux écoliers de l'école juste en face de cette Sanal touloise ? Quels Charles et Marie servaient leurs clients Nancéens, ici, sur le cours Léopold ?
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