Neuf heures et quelques petites minutes de retard,
une silhouette familière sur le trottoir,
le parking tout aussi familier d'un magasin,
une voiture grise qui vient de loin :
les participants à l'équipée sont au grand complet.
L'appel est vite fait
car nous ne serons que 4,
mais bien opiniâtres.
Dommage et tant pis pour les absents !
La journée commence sagement
dans le brouillard et le froid
par un petit café à la Brasserie de la Croix.
On fait le point,
et dans un coin
on échafaude un programme
que sans état d'âme
nous ne tiendrons peut-être pas.
Puis David se met en quête d'un repas
à la boulangerie de la place
située juste en face.
Routes Faubourgeoises
et Malzévilloises
en dédale
outre canal
puis par vaux et par monts
et on arrive à Eulmont.
Premier contact avec les autochtones :
deux ânes (du Cotentin) au museau qui frissonne,
une ou deux jolies biquettes
grisettes
lorraines
et pas vilaines (*)
au milieu de leurs copines
à la barbichette chafouine,
un épouvantail de mamaillou
stoïque au milieu de ses choux
(ou de ses fleurs : avec le brouillard,
un peu blafard
je n'ai pas fait la différence !),
des chiens qui jappent avec arrogance
sur notre passage
troublant nos bavardages.
Le chemin s'enfonce dans la forêt,
bordé d'antiques murets
noyés dans la végétation.
La plupart sont à l'abandon.
Une pierre est recalée à sa place
par notre guide efficace
qui est ici comme en pèlerinage
Suite au stage
Qu'il fit ici cet été
Pour un chantier
de jeunes étrangers
de maintes nationalités.
Il y a des instincts qu'il ne faut pas troubler…
Des somnambules à ne pas éveiller.
Et puis, un peu plus loin enfin la voici :
La tour au fier nom de Crâny,
bien mystérieuse
mais aussi frimeuse
telle une grande sucette
dont elle a la silhouette.
Plus loin, une petite mare sans canard
et sans nénuphar
dont on découvre les eaux claires
dans une étroite clairière.
Le chemin on rebrousse
quand lentement la cambrousse
se dévêt de son épais brouillard
exposant ses jolis fards.
Nous reprenons la voiture
où notre nourriture
exhale un relent de pâté
qui titille notre appétit déjà bien excité.
(Le pain de Sucre)
Blanzey :
au prieuré
ambiance feutrée
devant l'église fermée.
Sur le mur du cimetière
nous vidons nos gibecières
et partageons
nos tourtes et saucissons,
et de Gorze la tome
qui dévoile ses arômes
sur le pain
Nancéien.
Un petit rouge bien frais
précède le café
qu'un noir chocolat
gentiment égayera.
Dégagé de sa brume froide
le paysage offre une parade
de collines anecdotiques
à l'histoire bien héroïque :
Pain de Sucre, butte sainte Geneviève, colline d'Amance…
à faible distance
dévoilent à nos yeux
un panorama bien gracieux.
(Au bout du chemin blanc : Blanzey, au loin, les collines d'Amance)
(Le pain de Sucre, par delà le paisible petit cimetière de Blanzey)
Quelques kilomètres plus loin
la butte témoin
du Froidmont
après Eulmont
provoque d'autres émotions
à notre pérégrination.
Ici, nous avons rendez-vous avec l'Histoire, et ici, l'Histoire ne rime à rien puisqu'elle rime avec guerre, avec misères, cimetière, arrière, meurtrière, civière, colère, adversaire, calvaire et j'en passe… La guerre, celle qu'on qualifie de Grande. Le Froidmont se situe à l'arrière du Grand Couronné, ligne d'un front qui épargna Nancy durant le début des hostilités dès 1914. On s'est battu ici à la fin d'un été plein d'espoir, sur ce site aujourd'hui quelque peu oublié, mais quel que soit l'uniforme qui y fut porté, l'endroit mérite le respect. Les deux ouvrages abandonnés que nous avons vus, en assez bon état bien que noyés dans les broussailles, méritent le respect. J'imagine des ordres lancés dans cette langue qu'on prétend gutturale, la course furtive des soldats dans les tranchées, le cliquetis d'un Mauser qu'on arme, le bruit mat et sec d'un obus qui explose au loin, ou tout près, suivi d'un silence pesant. Des silhouettes se relèveront dans le petit matin, d'autres pas !
(Butte de Mousson vue du Froidmont)
(Un siècle de goutte à goutte...)
Entre temps, les dernières brumes ont été dissipées par le vent puis remplacées par des nuages bas. Après une dernière photo quelques gouttes nous chassent vers Pont à Mousson où nous faisons une étape bavarde autour d'une boisson salutaire.
On se sépare à regret sur le parking du discounter Maxévillois où prend fin notre circuit, non sans avoir lancé quelques idées pour un prochain rendez-vous : les neiges vosgiennes ? Le flanc sud du saint Quentin. La vallée de la Moselle près de la frontière ?
(*) Ils m'ont appelée vilaine avec mes sabots…
(**) Titre dont la paternité revient au sieur
Dadu Jones
(Photos du 23 mai 2010 -Blanzey- et du 23 octobre 2010)