Lettre de Papa, (mobilisé en 2ème rappel le 22 mars 1939 au 69ème RIF - CM7 au 82 RMIF le 29/8/39), envoyée clandestinement à Maman pendant la guerre.
"J'ai été fait prisonnier le 14 juin 40 à 7 heures du soir. Nous nous trouvions depuis plusieurs semaines en toute première ligne, nous étions bombardés journellement et le baptême du feu eut lieu le lendemain de la Pentecôte. Nous eûmes ce jour-là notre premier tué, [-]. Nous fûmes attaqués le matin du 14 à 6 heures du matin. Cela commença par un violent tir d'artillerie et à la faveur du brouillard matinal (artificiel probablement), l'ennemi s'infiltra de partout. Notre front étant très étendu pour une compagnie comme la nôtre qui formait avant-poste. Lorsque le brouillard se dissipa vers les 8 heures nous nous aperçûmes que l'ennemi s'était infiltré, attaquait nos petits ouvrages par derrière, obligation donc de combattre à l'arrière des emplacements de tir. Mes communications téléphoniques étaient toutes coupées, je fis usage de la radio mais on ne me répondait qu'au début, ensuite plus rien. Obligation de faire usage d'agents de liaison qui risquaient mille fois leur vie sous le feu d'enfer. Les hommes font tout leur possible pour se défendre efficacement mais hélas nous avions de si pauvres moyens en face de ce que l'ennemi mettait en œuvre contre nous. Notre artillerie ne répondait pour ainsi dire plus, je continuais d'envoyer par radio des appels désespérés, hélas sans réponse (et pour cause, mes correspondants étant ou prisonniers ou déjà partis). À 11 heures le calme se fit, nous espérons l'impossible, une contre-attaque de l'aviation, que sais-je ? Puis plus tard, cela reprit, les canons que nous crûmes être les nôtres un moment, recommencèrent à tirer absolument sans arrêt, sans pause. Des blessés arrivaient chez nous au PC. Ensuite les avions allemands et italiens firent leur apparition, ils bombardent en piqué, lançant de lourdes bombes dans un fracas de moteur au paroxysme. Le sol de notre PC qui était pavé de grosses dalles, dansait comme le pont d'un navire en pleine mer. Quand nous vîmes plus tard que tout était perdu, que tout était sans espoir, nous voulûmes tenter une sortie afin de rejoindre l'arrière. Mais les Allemands étaient entrés dans la maison (notre PC était dans la cave), ils tiraient sur ceux qui tentaient de sortir, de la fenêtre du premier étage, et jetaient des grenades sur notre sortie, l'une d'elle éclata à moins de 2m de moi. Mais elles faisaient heureusement beaucoup de bruit et de fumée mais peu de dégâts. Vers 7 heures du soir, nous mîmes des drapeaux blancs aux issues puisque tout était perdu et nous craignions qu'ils n'emploient les lance-flammes contre lequel nous ne pourrions rien étant donné la disparition des soupiraux de la cave. J'avais fait poster à chacun d'eux un homme ainsi prêt à tirer à la première alerte. Tout cela ne servit à rien, nous étions anéantis, démoralisés. Les Allemands arrivèrent dans la maison, nous les entendions marcher au-dessus de nos têtes. Les Alsaciens leur signifièrent en Allemand que nous nous rendions. Ils firent sortir le capitaine en tête et nous ensuite les bras en l'air. J'avais eu le temps de me préparer une musette avec le linge et les objets indispensables. Le village que nous occupions n'était plus qu'un amas de ruines. Tout était haché et mitraillé, notre maison avait dans ses murs des trous béants, il n'en n'était pas besoin de chercher la porte pour sortir. Les Allemands nous entourèrent alors, prêts à tirer sur nous, mais sans brutalité. Et ce fut le chemin de la captivité, de l'exil. Je restai ensuite peu de temps en France, nous passâmes à Merlebach, Forbach, primes le train à Sarrebruck le 19 et nous arrivâmes à Ludwigsburg le 20 à 3h du matin. Ensuite le stalag avec inscription, photo, etc. "
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